Les guerres de Charles le téméraire (1465-1477)

IV - La montée des dangers - (1468-1474)

IV.3 - Le Siège de Neuss (1474-1475)

Le siège de Neuss, qui s'est déroulé entre 1474 et 1475, fut une opération militaire majeure orchestrée par Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, dans le cadre de ses ambitions expansionnistes au sein du Saint-Empire romain germanique. Cette campagne, débutée le 29 juillet 1474 et achevée le 13 juin 1475, marqua un tournant dans la carrière militaire et politique de Charles.

L'intervention bourguignonne fut initiée à la demande de Robert de Bavière, archevêque-électeur de Cologne, qui sollicita l'aide de Charles face à la révolte de Neuss. Cette situation offrait au duc une occasion d'étendre son influence dans l'Empire et de renforcer sa position face à l'empereur Frédéric III. Charles mobilisa une armée imposante, estimée entre 12 000 et 20 000 hommes, incluant des troupes d'élite et une artillerie puissante. Le camp bourguignon, établi autour de Neuss, était remarquablement élaboré, avec des fortifications, des ponts sur le Rhin et des tavernes provisoires, témoignant de l'ampleur de l'opération.

Au cours de cette campagne, Charles recruta massivement des condottiere italiens, portant le nombre de ses compagnies d'ordonnance de 12 à 20. Les Bourguignons mirent en œuvre diverses tactiques de siège, alternant bombardements intensifs et tentatives d'assaut. Charles fit preuve d'innovation en utilisant des mines et en tentant de détourner le cours du Rhin pour priver la ville de sa protection naturelle. Cependant, la résistance acharnée des défenseurs de Neuss, soutenus par des mercenaires et une population déterminée, réussit à tenir en échec les assaillants.

Le siège s'enlisa, mobilisant d'importantes ressources et l'attention du duc pendant près d'un an, ce qui eut des répercussions stratégiques majeures, empêchant Charles de poursuivre d'autres objectifs et permettant à ses adversaires de se coaliser contre lui. Le 23 mai 1475, après avoir pris la ville de Lizt, les armées impériales avancèrent vers Neuss. Face au risque d'être assiégé, le duc décida d'engager la bataille.

Jules César en Empereur, bnf Fr Ms. 38 f.26

Il organisa son armée en deux corps : le premier, composé des troupes assiégeant la ville, et le second, réservé pour la bataille. Ce dernier regroupait des mercenaires, sa garde rapprochée et les nouvelles compagnies d'ordonnance. L'ordre de bataille nous est parvenu grâce aux lettres des ambassadeurs milanais présents lors des combats. Charles déploya ses troupes de manière astucieuse, les faisant traverser un guet pour se mettre en ordre de combat rapidement, surprenant ainsi les impériaux.

La bataille débuta avec une attaque rapide de l'aile droite bourguignonne, qui réussit à débander les troupes impériales. Cependant, la poursuite entraîna les hommes d'armes bourguignons à s'éloigner de leurs lignes, permettant aux impériaux de contre-attaquer. Malgré une charge combinée qui fit refluer les Allemands, les impériaux organisèrent une troisième sortie, réussissant à repousser l'aile droite bourguignonne.

Devant le danger, Charles mobilisa toute son aile droite, renforcée par des chevaliers, ce qui permit de mettre en déroute les impériaux, qui se retirèrent vers Cologne. Parallèlement, l'aile gauche de la première ligne réussit également à repousser les Allemands, qui se retrouvèrent sous le feu de l'artillerie bourguignonne. Alors que le duc s'apprêtait à donner l'ordre d'assaut général, la nuit mit fin à la bataille.


Camp Impérial - Ausklappbare Darstellung

Confronté à la menace d'une sortie de la ville accompagnée d'une seconde armée de secours, Charles décida de négocier un cessez-le-feu et de lever le siège, d'autant plus que les hostilités reprenaient avec Louis XI, la Lorraine et les Suisses. La levée du siège, le 13 juin 1475, fut négociée sous l'égide du légat papal Alexandre Numai, aboutissant à un compromis qui permit à Charles de sauver la face sans atteindre ses objectifs initiaux. Il se contenta de la promesse d'une médiation papale dans le conflit de Cologne, sans gains territoriaux concrets.

Cet épisode marqua un tournant dans les campagnes de Charles le Téméraire. Bien qu'il poursuivit ses ambitions dans l'Empire, notamment avec la conquête de la Lorraine peu après, l'échec de Neuss révéla les limites de sa puissance militaire et contribua à isoler diplomatiquement le duc de Bourgogne.